Objectif principal : évaluation de l’impact du stress scolaire sur l’anxiété et la dépression de lycéens français (seconde à terminale, bac séries L, ES et S).
Objectifs secondaires : création d’outils de mesure fiables du stress scolaire (Validation exploratoire de l’échelle d’attitudes parentales perçues face à la vie scolaire (EAPS) – Validation confirmatoire de la version française de l’échelle de stress scolaire (HSSS) de Burnett et Fanshawe (1997) – Validation exploratoire et confirmatoire de l’échelle de stress (VIPSO) – Validation exploratoire et confirmatoire de l’échelle des modes mentaux (EMM)).

Résumé           
L’étude du stress scolaire est un domaine de recherche récent en France. Ce stress correspondrait à l’effet global de tous les facteurs de stress liés à l’école qui agissent sur l’enfant (Lempp, in Reinhard & Ott, 1994, p 108). Giron (2001) précise qu’il est issu de la transaction entre l’enjeu représenté par la réussite scolaire et l’évaluation que l’élève se fait de ses propres compétences pour y répondre. Dans une étude réalisée auprès de lycéens américains, Elkind (1984) identifie la demande scolaire comme premier facteur de stress scolaire, laquelle est perçue par les adolescents comme surpassant leurs capacités intellectuelle et physique. À la suite des travaux d’Elkind, plusieurs études ont mis en évidence les relations parents/adolescents parmi les facteurs susceptibles d’influer sur le stress scolaire perçu des lycéens (Burnett & Fanshawe, 1996). D’autres recherches ont souligné l’existence d’un lien entre stress scolaire perçu et pression perçue en provenance de l’entourage (Lee, Wing, Chow, & McBride-Chang, 2006), lien néanmoins contesté dans une récente étude où la pression perçue en provenance des parents se limite aux relations dyadiques parents/enfants (Zakari, Walburg, & Chabrol, 2008) et non aux relations triadiques parents/enfants/vie scolaire.
Cette recherche se propose d’examiner l’effet de la perception de l’attitude parentale (pression et soutien) sur le stress scolaire de lycéens français. Nous nous attendons à trouver des scores de stress scolaire plus élevé chez les lycéens dont la pression parentale perçue est élevée que chez ceux chez qui elle est faible.

 

Mise à jour : mai 2016

 

NOM DU PROJET : AS9 – Etude des déterminants du stress scolaire de lycéens français.

Intitulé complet du Projet :

Phase 1: Identification de déterminants personnels et émotionnels du stress scolaire chez des lycéens français.

Phase 2 : Effets médiateurs des attitudes parentales et des modes mentaux entre les déterminants personnels et le stress scolaire de lycéens français.

Phase 3 : Modélisation du stress scolaire de lycéens français

Date de début : 2012 Date de fin : 2015

 

1. Objectifs du projet

L’échec scolaire représente une menace sociale majeure car à ce jour ce sont encore 150000 élèves, soit 12,3 % d’une classe d’âge (INSEE, 2006), qui sortent toujours de l’école sans aucun diplôme ni qualification. Le stress scolaire est une des variables explicatives de l’échec scolaire bien que sa modélisation, du moins dans le contexte du lycée, n’ait pas encore été mise à jour et que le stress scolaire des lycéens reste très peu étudié.

Cette recherche se propose donc d’une part :

Objectif 1 : Étudier les effets directs de déterminants personnels comme le positionnement grégaire et de déterminants émotionnels tels que la pression parentale perçue et le soutien parental perçu (à l’égard de la vie scolaire) sur l’intensité du stress scolaire de l’adolescent. Nous étudierons également le lien existant entre pression et soutien ainsi que les effets de ce lien sur le stress scolaire. Nous pensons que la perception d’une pression élevée prédit un stress scolaire élevé mais que cette relation est modérée par la perception d’un soutien parental élevé. Nous faisons également l’hypothèse que l’effet de la pression perçue est accentué chez les adolescents présentant un trouble de l’assertivité.

Objectif 2 : De plus, nous étudierons les effets directs des médiateurs (modes mentaux, coping) sur l’intensité du stress scolaire perçu. Nous faisons l’hypothèse que les adolescents utilisant un mode mental adaptatif utilisent une stratégie de coping plus adaptée et donc que leur stress scolaire est moins élevé que celui des autres adolescents.

Objectif 3 : Enfin nous étudierons les variations éventuelles des effets de déterminants personnels (positionnement grégaire) et émotionnels (perception des attitudes parentales selon l’utilisation de médiateurs (modes mentaux, coping) puis nous modéliserons l’ensemble. À savoir étudier les effets médiateurs des modes mentaux (via le coping) entre des déterminants personnels (positionnement grégaire) et émotionnels (perception des attitudes parentales) et le stress scolaire.

À ce jour, aucune étude à grande échelle n’a été réalisée pour connaitre les processus et mécanismes du stress scolaire chez les adolescents. Ce projet permettra de mettre à  jour l’effet de plusieurs déterminants psychiques ce qui, à terme, permettra 1) d’adapter les prises en charge clinique des adolescents à risque, 2) d’informer et de former de manière plus précise les différents acteurs en milieu scolaire (CPE, enseignants, infirmières scolaires).

 

2. État de l’art

En 2011, les frais engagés par la scolarité en France représentaient plus de 137 milliards d’euros (www.education.gouv.fr) soit 6,9% de la part du PIB, le taux de l’échec scolaire représente donc une perte importante sur le plan économique. En outre, l’échec scolaire est en lien direct ou indirect avec d’autres problématiques sociales (notamment la délinquance) ou de santé publique (addiction, troubles de l’alimentation..). Enfin, d’un point de vue psychique, il est extrêmement délétère autant à courts qu’à longs termes. Certains de ses déterminants sont d’ores et déjà identifiés (contexte familial et social, difficultés d’apprentissage..) d’autres restent peu ou pas étudiés et notamment le processus du stress scolaire ainsi que ses nombreux liens avec la qualité de vie physique et psychique des adolescents.

Selon Lempp (1983), le stress scolaire correspond à l’effet global de tous les facteurs de stress liés à l’école et qui agissent sur l’élève (in Reinhard & Ott, 1994, p. 108), il est également définit comme un état de stress chronique présent chez les élèves pour qui la demande perçue dépasse les capacités perçues (Ang & Huan, 2006 ; Elkind, 1984). Cette demande scolaire émane aussi bien de l’adolescent lui-même, lorsqu’il se fixe des buts inatteignables, que de son entourage scolaire ou familial. La demande scolaire ne peut être dissociée de l’enjeu que représente l’école, lequel est véhiculé autant par les parents, les pouvoirs publics que par les professeurs. L’enjeu naît pour l’élève, quand il estime que l’objectif à atteindre mérite les efforts demandés et le stress scolaire serait alors issu de la transaction entre cet enjeu et l’évaluation que l’élève fait de ses propres compétences pour y répondre (Giron, 2001).

Lazarus et Folkman (1984) ont de leur côté modélisé le processus du stress en décrivant des déterminants personnels (situation de l’individu, trait de personnalité, capacités cognitives…), émotionnels et situationnels ayant des effets sur la qualité de vie et la détresse psychologique (dépression et anxiété), d’une part directs et d’autre part indirects, via des médiateurs telle l’évaluation cognitive de la situation aversive et des moyens à disposition pour y faire face. Evaluation donnant lieu au stress, au contrôle et au soutien social perçus et à la manière de réagir face à la situation (coping).

Parmi les déterminants personnels, le modèle du positionnement grégaire de Fradin et al. (2006) définit la position sociale générale prise par un individu sur deux axes, un axe allant de la soumission à la dominance et un autre allant du rapprochement social excessif à l’évitement social. L’intersection de ces deux axes étant considérée comme une position assertive, soit « l’habileté d’un individu à s’exprimer pour défendre ses droits sans empiéter sur ceux d’autrui » (Salter, 1949). Tout éloignement de ce point central représente un trouble mineur ou majeur de l’assertivité générant alors stress et donc, à termes, anxiété, dépression et altération de la qualité de vie. Par ailleurs, en termes cognitifs (ou neurocognitifs), Fradin et al. (2008) postulent que la flexibilité mentale (ou mode mental adaptatif) permet une meilleure évaluation de la situation et en conséquence l’utilisation de stratégies de coping plus adaptées que la rigidité intellectuelle (ou mode mental automatique). Sachant que l’individu peut apprendre à passer d’un mode mental automatique à un mode mental adaptatif, par conséquent si l’effet délétère du mode mental automatique sur le stress scolaire des lycéens est démontré, il sera alors possible d’envisager des solutions pour aider l’adolescent à modifier l’utilisation de ses modes mentaux.

Sur le plan situationnel et émotionnel, Giron (2001) précise que l’enjeu de l’école est aussi celui de la socialisation, soit de la réussite de l’entrée dans la société qui est communément considérée comme nécessaire et impérative. L’enfant est très tôt confronté à cette injonction qui prend pour lui la forme d’une pression qu’il va intérioriser. Aussi, les pairs, les professeurs, le système scolaire en lui-même (emplois du temps, classes surchargés …), peuvent donc être ressentis comme source de stress tout comme certaines attitudes parentales à l’égard de la réussite de leur enfant. Selon Epstein (1992), les pratiques parentales inhérentes à la vie scolaire de leur enfant renvoient essentiellement au rôle tenu par les parents dans l’accompagnement scolaire. Deslandes (1998) estime, quant à elle, que ces pratiques revêtent de multiples facettes qu’elle regroupe en cinq dimensions : 1/ soutien affectif, 2/ communication parents-enseignants, 3/ interactions parents-adolescents relatives au quotidien scolaire, 4/ communication parents-école (CPE, proviseur …), 5/ communication parents-adolescents. La perception que l’adolescent a des attitudes de ses parents serait en lien avec le stress scolaire perçu. En effet, diverses études ont souligné que les désirs parentaux à l’égard de la réussite scolaire déclencheraient un stress scolaire élevé chez les adolescents, notamment quand ces derniers perçoivent les désirs de leurs parents comme allant à l’encontre des leurs ou comme insurmontables (Burnett & Fanshawe, 1996 ; Struthers, Pery & Menec, 2000 ; Lee, Wing, Chow, & McBride-Chang, 2006). Ce lien est néanmoins contesté par Zakari, Walburg, et  Chabrol (2008) pour qui la pression perçue en provenance des parents se limite aux relations dyadiques parents/enfants et non aux relations triadiques parents/enfants/vie scolaire. Par ailleurs, si l’adolescent perçoit les attitudes parentales au sujet de l’école comme une pression, elles peuvent, à l’inverse, être perçues comme un soutien alors en lien avec un faible niveau de stress scolaire. Les résultats de l’étude de Bergonnier-Dupuy, Esparbes-Pistre et Lacoste (2004) indiquent, en effet, que plus l’adolescent pense que ses parents le soutiennent dans sa scolarité, plus le niveau de stress est faible et il apparaît que ce niveau de stress est d’autant plus faible que l’adolescent pense que ses parents le félicitent souvent pour son travail scolaire. Ces résultats viennent corroborer des résultats antérieurs selon lesquels les adolescents qui perçoivent un soutien parental actif présentent un meilleur ajustement scolaire (Steinberg, Lamborn, Dornbusch & Darling, 1992 ; Deslandes & Potvin, 1998).

 

3. Aléas, incertitudes scientifiques, verrous technologiques

Toutes les recherches citées ci-dessus ont néanmoins pour limite d’étudier soit la pression perçue soit le soutien perçu mais aucune, à notre connaissance, ne propose de tester l’hypothèse d’un lien entre pression et soutien. En outre, il n’existe aucune recherche, à notre connaissance, portant sur l’effet de l’utilisation des modes mentaux, pas plus que sur celui du positionnement grégaire en milieu scolaire.

Par ailleurs, toute recherche incluant des variables psychologiques reste sensible et demande un grand recul éthique et déontologique, ce qui s’avère encore plus prégnant quand il s’agit d’enfants ou d’adolescents et bien davantage lorsque les recherches ont lieu en milieu scolaire. La mise en place de cette recherche a donc nécessité l’établissement d’un comité d’experts indépendants (éthique et scientifique) afin d’obtenir la meilleure mise en perspective possible. L’ensemble des points suivants a été identifié et traité afin de répondre au maximum des exigences de terrain : autorisation parentale, présentation précise de la recherche aux divers intervenants et aux parents, prévenir les réactances psychologiques des enseignants et CPE, proposition de compte-rendu détaillé aux rectorats et chefs d’établissement, garantie de l’anonymat des élèves, prévention des risques psychiques (recherche terrain menée uniquement par des psychologues cliniciens, exclusion des classes où l’un des élèves auraient perdu ses parents ou rencontrerait des difficultés psychiques importantes).

 

4. Travaux R&D réalisés, démarche expérimentale

Le protocole de recherche contient neuf questionnaires dont deux restent à valider chez les adolescents. Toute validation scientifique d’outils de mesure nécessite une grosse taille d’échantillon. Nous avons donc sollicité les rectorats de Bordeaux, Toulouse et Montpellier (grand sud) afin de pouvoir disposer d’un échantillon d’environ 15 000 élèves répartis autant dans des lycées privés que publics, et dans des zones géographiques recouvrant l’urbain et le rural. Par ailleurs, et afin d’obtenir un effet significatif des déterminants à la fois personnels et situationnels d’une taille d’au moins .5, avec un risque alpha de 0.05 et un risque béta de 0.80, et compte-tenu du nombre de variables étudiées 11000 sujets sont nécessaires. En effet, nous considérons un facteur d’inflation F=1+(m-1)rho, où rho est le coefficient intra-classe de corrélation (CCI) qui quantifie la corrélation à l’intérieur d’un même groupe d’une taille de 0.05. De plus, si on considère l’effet lycée, le nombre de sujet doit être augmenté de 1.2, soit un total de 13200 sujets.

Les effets ainsi démontrés pourront ouvrir la voix à des recherches interventionnelles visant à évaluer diverses prises en charge adaptées du stress scolaire.

À ce jour, les rectorats de Toulouse et Bordeaux ont donné leur accord. Les lycées de la région Languedoc Roussillon ont également été contactés via une association universitaire « psychologie et sport », cette dernière disposant d’une autorisation annuelle. Le rectorat du Languedoc-Roussilon sera de nouveau sollicité en 2014 (année scolaire 2014-2015), il nous a en effet été demandé de procéder ainsi (voie associative) pour l’année 2013-2014 à cause d’un changement de recteur et d’une prise de poste en cours.

Parmi les 4600 élèves déjà interrogés, nous avons extrait un échantillon de façon aléatoire afin 1/ de répondre à l’objectif 1 2/ de valider les questionnaires non encore validés scientifiquement et notamment les questionnaires issus de recherches américaines (cf. HSSS).

Nous avons donc analysés les réponses de 608 (60,8%) filles et 392 (39,2%) garçons âgés de 13 à 20 ans (M =16,26, ET = 1,2). Ces adolescents sont pour 41,7% (N = 417) scolarisés en classe de seconde, 24,5% sont scolarisés en classe de première L, ES ou S ( N = 245) et 33,8% sont scolarisés en classe de terminale L, ES ou S (N = 338). La modélisation du stress scolaire se divise en 5 dimensions : évaluations écrites, évaluations orales, préoccupations vis-à-vis de l’avenir, relations avec les enseignants, et organisation personnelle.

Pour ce qui concerne les déterminants personnels nous notons que le trait d’anxiété a un effet négatif sur le stress envers les évaluations écrites (r2 = 0,23 ; β =  4,96, p < .001), les évaluations orales (r2 = 0,009, p < .005, β = 0,098) et les préoccupations vis-à-vis de l’avenir (r2 = 0,04, β = 0,195, p < .001). Le trait de soumission a quant à lui un effet négatif sur le stress envers les évaluations écrites (r2 = 0,005, p < .05,  β = -0,79), les évaluations orales (r2 = 0,073, p < .05 ; β = -0,271), les préoccupations vis-à-vis de l’avenir (r2 = 0,006, p < .01 ; β = -0,08), l’organisation personnelle (r2 = 0,008, p < .01 ; β = -0,10), à l’inverse c’est le trait de dominance qui a un effet négatif sur le stress liés aux relations avec les enseignants (r2 = 0,02, p < .001 ; β = 0,15). Le fait d’être marginal (évitement social) augmente le stress lié aux évaluations écrites (r2 = 0,09, p < .01 ; β = 0,10), aux préoccupations vis-à-vis de l’avenir (r2 = 0,023, p < .001, β = 0,15) et aux relations avec les enseignants (r2 = 0,008, p < .001, β = 0,09).

Pour ce qui concerne les déterminants émotionnels, les attitudes parentales perçues négativement (pression) augmente le stress lié aux évaluations écrites (r2 = 0,011,
p < .001 ; β = 0,11) et aux évaluations orales (r2 = 0,006, p < .01, β = 0,08). A l’inverse, les attitudes parentales perçues positivement (soutien) diminuent le stress lié aux évaluations écrites (r2 = 0,011, p < .01 ; β = – 0,11). Le fait d’être en conflit avec l’un de ses deux parents augmente le stress lié aux évaluations écrites (r2 = 0,025, p < .001, β = 0,16), aux préoccupations vis-à-vis de l’avenir (r2 = 0,021, p < .001, β = 0,15) et aux relations avec les enseignants (r2 = 0,020, p < .001, β = 0,15). Inversement, la perception d’une relation stable et profonde avec l’un des deux parents au moins diminue le stress lié à l’organisation personnelle (r2 = 0,006, p < .01, β = 0,08).

Autant les effets de déterminants personnels (traits de personnalité) ont un poids relativement importants dans le modèle avec une explication de la variance se montant à 33,2% autant les relations parentales ont un poids plus relatif (19,2% de variance expliquée), néanmoins les deux formes de déterminants présentent des effets directs significatifs sur la variance des dimensions du stress scolaire.  Ces résultats sont encourageants et prouvent l’intérêt de la poursuite d’une telle étude.

 

5. Indicateurs de R&D

Les résultats concernant le premier objectif sont en cours de publication et ont présentés brièvement ci-dessus.

Néanmoins, deux présentations ont d’ores et déjà été effectuées auprès de la communauté scientifique :

de Chalvron, S., Bénard, S., Fradin, J. & Cousson-Gélie, F. (2013). Moderating effect of positive parental attitudes on IQ and academic stress link. Communication presented to the 27th conference of the European Health Psychology Society, Bordeaux, France.

de Chalvron, S., Fradin, J. & Cousson-Gélie, F. (2013). Différence de perception du soutien parental et de la qualité de vie entre des adolescents atteints de maladie chroniques somatiques et leurs parents. Journées Nationales SFPEADA, « familles et soins aux enfants », Montpellier, France.

 

6. Acquisition des connaissances

Recherche en cours

A terme, nous espérons mesurer l’effet de plusieurs déterminants psychiques du stress scolaire afin d’adapter les prises en charge clinique des adolescents à risque, et d’informer et de former de manière plus précise les différents acteurs en milieu scolaire (CPE, enseignants, infirmières scolaires).

 

7. Ressources humaines
Nom Fonction dans le projet Nbre heures/jours consacrées à la Phase N Nb total d’heures/jours affectées au projet

De Chalvron

Stéphanie

Ingénieur de recherche 273 heures 273 heures
Lafaye Anaîs Chargée de projet de recherche 546 heures 546 heures
Fradin Jacques Directeur IME 91 heures 73 heures
Porro Bertrand Psychologue 548 heures 548 heures

 

8. Références bibliographiques

Ang, R.P. & Huan, V.S. (2006). Relationship between academic stress and suicidal ideation: Testing for depression as a mediator using multiple regression. Child Psychiatry, 37(2), 133-143.

Bailey, L., & Halley, J. (2006). The influence of intelligence on coping style selection. Journal of Clinical Psychology, 39(6), 901-908.

Bergonnier-Dupuy, G., Esparbès-Pistre, S. & Lacoste, S. (2005). Perception du soutien familial à la scolarité et stress au collège. In G. Bergonnier-Dupuy (ed), L’enfant acteur et/ou sujet au sein de la famille (pp. 113-122). Ramonville Saint-Agne: ERES.

Bergonnier-Dupuy, G., Esparbes-Pistres, S., & Lacoste, S. (2005). Perception du soutien familial à la scolarité et stress au collège. Dans G. Bergonnier-Dupuy, L’enfant acteur et/ou sujet au sein de la famille (pp. 113-122). Ramonville Saint-Agne: ERES.

Burnett, P.-C. & Fanshawe, J. P. (1997). Measuring school-related stressors in adolescents. Journal of Youth and Adolescence 26(4), 415-428.

Deslandes, R., Bouchard, P. & Saint-Amant, J.-C. (1998). Parents démocratiques et enfants autonomes. Dynamique familiale de la réussite scolaire ? Service social, 47(3-4), 221-246.

Deslandes, R. & Potvin, P. (1998). Les comportements des parents et les aspirations scolaires des adolescents. La revue internationale de l’éducation familiale, 2(1), 9-24.

Elkind, D. (1984). Ties that stress: The new family imbalance. Cambridge: Harvard University Press.

Epstein, J.L. (2001). School, family and community partnerships: Preparing educators and improving schools. Boulder, CO: Westview Press.

Fradin, J. & Fradin, F. (2006). Personnalités et psychophysiopathologie [Personalities and psycho-physio-pathological problems]. Paris, France : Publibook.

Fradin, J., Aalberse, M., Gaspar, L., Lefrançois, C., & Le Moullenc, F. (2008). L’Intelligence du stress. Paris : Éditions d’Organisation, Eyrolles.

Giron, C. (2001). Le stress à l’école. Nancy-Metz : C.I.F.I.S.E.M.

Huan, V., Yeo, L., Ang, R., & Chong, W. (2006). The influence of dispositional optimism and gender on adolescents’ perception of academic stress. Adolescence, 41(163), 533-546.

Lazarus, R.S. & Folkman, S. (1984). Stress, coping and adaptation. New-York: Springer.

Lee, M.T.-Y., Wong, B., Chow, B.W.-Y. & McBride-Chang, C. (2006). Predictors of suicide ideation and depression in Hong Kong adolescents: Perceptions of academic and family climates. Suicide and Life-Threatening Behavior, 36, 82-96.

Reinhard, H., & Ott, G. (1994). Stress scolaire et personnalité. Dans M. Bolognini, B. Plancherel, R. Nunez , & W. Bettschart, Préadolescence, Théorie, Recherche et Clinique (pp. 107-118). Paris: ESF.

Steinberg, L., Lamborn, S.D., Dornbusch, S.M. & Darling, N. (1992). Impact of parenting pratices on adolescent achievement : Authoritative parenting, school involvement, and encouragement to suceed. Child Development, 63, 1266-1281.

Struthers, C., Perry, R., & Menec, V. (2000). An examination of the relationships among academic stress, coping motivation and performance in college. Research in Higher Education 41(5), 581-592.

Zakari, S., Walburg, V., & Chabrol, H. (2008). Influence de la pression perçue par les lycéens français sur le stress scolaire. Journal de thérapie comportementale et cognitive, 18, 108-112.

 

 

 Autres Programmes 

 

NOM DU PROJET : AS10 Qualité de vie et stress au travail. Étude des effets directs et indirects du positionnement grégaire via la gestion des modes mentaux sur le stress professionnel et le burnout.
Date de début : 2011 Date de fin : 2015
R – Psychologie – Psychologie de la santé 

 

1. Objectifs

Dans le cadre de l’étude et de la prise en charge des risques psycho-sociaux, déterminer les différents stresseurs professionnels, connaître la façon dont les individus gèrent ces stresseurs lorsqu’ils sont confrontés à des situations hautement stressantes et identifier les processus mis en jeu afin de diminuer, tolérer ou maîtriser ces stresseurs, sont des préoccupations majeures de l’IME. Cela représente également un apport potentiellement important en termes de connaissances sur l’utilisation efficace des stratégies de coping lors de situations stressantes/aversives.

Cette étude a été initiée afin de construire un protocole capable d’évaluer précisément le stress professionnel, de déterminer les sources de stress et ses résultantes.

En secteur hospitalier, le stress professionnel est impliqué dans la dégradation de la relation patient/soignant (Dyrbye et al., 2008) dans l’augmentation des erreur médicales et dans l’absentéisme. Il entraine également une détérioration de la santé physique et mentale et de la qualité de vie des personnels de soin (Halbesleben, 2006). On retrouve les mêmes implications économiques et psychiques chez les enseignants et formateurs. Ces deux secteurs d’activité étant des professions d’aide par le biais des soins ou de l’apprentissage, il existe des particularismes dont certains peuvent être probablement retrouvé dans d’autres professions de secteurs divers.

Pouvoir identifier les particularités communes à diverses professions pour identifier les professions les plus à risque ainsi que les déterminants du stress professionnel les plus prégnants en fonction des professions.

Une population de 2000 individus est visée afin de modéliser l’ensemble des variables (déterminants et médiateurs) et donc d’extraire un pourcentage de variance significatif ce qui permettrait aux personnes chargées de la prise en charge du stress professionnel (psychologue, coach et conseil) d’adapter les prises en charge (au niveau individuel et groupal).

 

2. État de l’art

En France, depuis près de 10 ans, la recherche se penche sur l’ensemble des risques encourus par les individus dans le cadre de l’exercice de leur profession, risques pouvant porter atteinte a leur intégrité physique et/ou mentale. Ces risques sont suivis de l’adjectif  « psychosociaux » (RPS) car ils se trouvent à l’intersection du psychisme de l’individu et de sa situation professionnelle. Ainsi, ils intéressent des champs scientifiques aussi variés que la psychologie, la sociologie, la médecine, l’ergonomie l’économie, le droit… Néanmoins la littérature commence à peine à s’emplir d’articles transdisciplinaires, pourtant le besoin de connaissances sur le sujet semble urgent puisque c’est 24,9% des travailleurs indépendants et 21,3% des employés européens qui se plaignent de stress professionnel (Milczarek et al., 2009). De la même manière, plusieurs études ont mis en évidence qu’un travailleur sur trois déclare un stress professionnel et que 60% des journées de travail perdues le sont à cause du stress. Les facteurs de stress professionnel ont été identifiés par Cox et al. (2000) : la culture et la fonction organisationnelles de l’entreprise, le rôle du salarié, le plan de carrière, la liberté décisionnelle, les relations interpersonnelles, la relation vie privée / vie professionnelle, le milieu de travail et les équipements, la conception des tâches, la charge et le rythme de travail, et le planning.

Au  niveau psychosocial, il existe actuellement deux modèles reconnus sur le plan international en raison de leur apport considérable à la production de connaissances scientifiques solides concernant l’importance des effets de déterminants sociaux et psychologiques liés au travail sur l’apparition et le maintien de plusieurs maladies psychiques et somatiques. Il s’agit du modèle « déséquilibre: effort/ récompense » de Siegrist et du modèle « demande-autonomie‐soutien au travail » de Karasek et Theorell, ce dernier modèle a été enrichi, en 1990, par le concept de soutien social sous  ses trois dimensions : réseau de soutien, comportements de soutien et appréciation subjective du soutien. Ces modèles ont permis de mettre en évidence les liens entre le stress professionnel et les maladies cardiovasculaires ainsi qu’avec les troubles de la santé mentale.

Le modèle « demande-autonomie-soutien au travail » repose sur le constat qu’une situation de travail où les demandes psychologiques (provocant des tensions appelées « Job strain ») sont fortes et où l’autonomie décisionnelle est faible, augmente le risque de maladies physiques et/ou mentales (figure 1). Les demandes psychologiques renvoient à la quantité de travail à accomplir, aux exigences cognitives et aux contraintes de temps. L’autonomie décisionnelle renvoie autant à la capacité qu’à la liberté de prendre des décisions dans son travail, à la possibilité de créer et d’innover ainsi que d’utiliser et de développer ses habiletés.

Figure 1. Modèle de Karazek et Theorell

Figure 1. Modèle demande-autonomie‐soutien au travail » de Karasek et Theorell,

En 1990, le concept de soutien social, sous ses trois dimensions : réseau de soutien, comportements de soutien et appréciation subjective du soutien a été ajouté au modèle de Karasek. Dans le travail, le soutien social associe les interactions sociales disponibles comme effectives au travail, tant de la part des collègues que de la hiérarchie. Par ailleurs, la crise économique, les contraintes de rentabilité, les nouveaux modes de gestion du personnel souvent associés à cette crise, entravent fortement l’esprit d’équipe comme le sentiment de valeurs partagées, sans omettre des débordements de plus en plus fréquents menant à du harcèlement moral. La littérature démontre largement que l’association d’un trop de demandes, d’un manque de soutien et d’une limitation voire d’une suppression de l’autonomie a des effets délétères sur la santé psychique des individus, elle génère dépression, détresse psychologique, épuisement professionnel (et/ou Burnout pour les professions concernées) et consommation accrue de psychotropes (Borritz, 2005 ; Moisan, 1999 ; Stansfeld, S. 1999 ; Rugulies, 2006).

Le modèle « déséquilibre : effort/reconnaissance » (Siegrist, 1996) repose sur le constat qu’une situation de travail où on trouve une association entre des efforts élevés et une faible reconnaissance en rapport à ces effort s’accompagne de troubles émotionnel et physiologique. Les faibles reconnaissances concernent aussi bien un salaire jugé insuffisant, qu’un manque d’estime et de respect ou qu’une insécurité de d’emploi comme de faibles perspectives de promotion. Ce manque de reconnaissance agit en détériorant l’estime de soi ce qui entraîne des troubles psychologiques comme la dépression, l’épuisement professionnel, la détresse psychologique élevée ou même le suicide.

Si, de nombreuses recherches témoignent d’un lien entre ces deux modèles causalistes et des critères psychologiques (dépression, épuisement…), les méta-analyses (Kivimäki  et al. 2003 ; Stansfeld et al. 2006, 2008) confirment ce lien mais soulignent également  des biais méthodologiques notamment celui de la non-prise en compte des facteurs de confusion (événements de vie, antécédents psychologiques, compétences cognitives…) hormis l’âge et le genre.

En effet, ces modèles sociologiques partent du principe que les situations sont objectives, mais, de l’aspect psychologique, ce qui est relevé, c’est au contraire, l’aspect subjectif. De même en ergonomie, le modèle de l’activité de Guérin et al. (2001) prend en compte ce qui est appelé « l’évaluation cognitive de la situation de travail ». Mais, comme souligné dans les méta-analyses précitées, très peu de recherches se sont penchées sur les déterminants de ces deux modèles. A savoir pourquoi certains individus perçoivent davantage une demande comme étant forte, un soutien comme étant faible et une restriction de leur autonomie que d’autres, et ce alors que le contexte est objectivement identique (toutes choses égales par ailleurs), pourquoi encore, certains éprouvent sensation de faire beaucoup d’efforts pour en obtenir peu de reconnaissance et pas d’autres, toujours dans une situation objectivement identique (Langelaan et al. 2006). Un lien direct entre les traits de personnalité et autres caractéristiques personnelles (situation familiale, revenus de la famille, antécédents psychologiques, déterminants physiques, déterminants cognitifs..), ou encore le contexte professionnel lui-même (type d’entreprise, de profession, secteur économique…) et l’épuisement professionnel ou le Burnout a souvent été recherché, mais, si ce lien est démontré, par exemple, les traits de personnalité, notamment en référence au Big Five sont bien en relation à l’épuisement professionnel ou à la dépression (Alarcon et al. 2009), pour celui concernant les facteurs de confusion et ces deux modèles causalistes « demande-autonomie-soutien » et « déséquilibre-effort-reconnaissance », les résultats sont nettement moins fréquents sont plus controversés (revue de littérature en cours). À ce titre, les recherches englobant des antécédents psychologiques sont quasi absentes de la littérature. Nos recherches en ce sens montrent, par exemple, qu’aucune n’a pris en compte les Comportements Automatiques d’Evitement Social (CAES) (Fradin et al. 2004, 2008). Ces comportements peuvent ressembler à la phobie sociale à ceci près que ces comportements sont liés à une atteinte du cortex néolimbique (notamment gyrus cingulaire) et qu’ils engendrent un autre comportement dit “de substitution”. Le comportement d’évitement est un hypo-fonctionnement que le sujet va compenser par un hyper-fonctionnement afin de pouvoir s’adapter à la situation, mais lorsque ce dernier comportement (hyper-fonctionnement) ne permet pas au sujet qui l’adopte de parvenir à son objectif (masquer son hypo-fonctionnement), l’ensemble devient alors pathogène générant d’autres pathologies psychiques (notamment dépression). Dans un cadre professionnel ce fonctionnement hypo-hyper pourrait également être pathogène pour la systémique de la communauté de travail, ce qui a, à notre connaissance jamais été exploré. Un autre concept, non exploré à notre connaissance dans un champ professionnel, concerne l’assertivité laquelle est représentée par la capacité d’adaptation sociale d’un individu dans des situations d’exposition sociale (Breyois et al. 2005). Il s’agirait d’une fonction complexe, et hétérogène qui pourrait, selon Fradin et al. (2008), être mesurée à l’aide de quatre indicateurs : les comportements de soumission, les comportements de dominance, la marginalité et l’axialité (ou intégration des rapports à autrui). En fonction de la position de l’individu sur ces quatre indicateurs, il serait alors possible de définir son degré d’assertivité.

Par ailleurs, on parle de modèles « causal » au sujet des modèles de Karasek et Siegrist , parce que, bien qu’interactionnistes (c’est l’interaction de plusieurs facteurs qui a un effet sur les diverses pathologies), ils n’intègrent pas la transaction entre l’individu et son environnement. Or, le stress correspond davantage à une transaction entre l’individu et l’environnement dans laquelle la situation est évaluée comme débordant ses ressources et menaçant son bien-être (Lazarus et al. 1984). Au plan conceptuel, le modèle transactionnel du stress est centré sur l’organisation complexe des transactions entre facteurs situationnels et facteurs liés aux modes de réaction (coping) des individus. Selon ce modèle, pour le salarié (ou plus largement tout travailleur) les tensions internes (émotions) ainsi que l’identification de leurs causes permettraient de demeurer efficace (Lazarus et al. 1995, 1999). Ces tensions contribueraient à l’élaboration de la perception de la situation (stress perçu, contrôle perçu, soutien social perçu), perception sur laquelle le salarié s’appuierait pour prendre des décisions et orienter ses actions. À ce niveau, les émotions auraient donc un rôle adaptatif, ce, que ces émotions soient positives ou négatives et, les troubles psychologiques surviendraient en cas de mauvaise adaptation voire de défaut d’adaptation. En effet, selon l’hypothèse des marqueurs somatiques de Damasio (1994), les émotions représentent une source d’informations capitale pour l’ajustement et donc pour le maintien d’un niveau de performance qui tient compte à la fois des difficultés intrinsèques à la situation et de leur interaction avec les ressources personnelles de l’individu. Ainsi, toujours selon Damasio, la suppression de la capacité à « lire » les émotions d’une situation peut altérer la capacité à prendre une décision compatible avec la santé des personnes qu’elle engage (Damasio, 1994, 1999 ; Loewenstein, 2003). Dans un cadre professionnel, l’importance de la lecture des émotions sort du cadre de la santé individuelle pour rejoindre celui de la santé d’une communauté de travailleurs et de la santé d’une entreprise ou d’un service. Quand il est symétrique, le partage des émotions participe au renforcement du sentiment d’appartenance à cette communauté, dans le cas inverse, il entraîne une problématique d’isolement laquelle génère un manque (une tendance à la rumination, et un éventuel enfermement dans des solutions inefficaces) pour l’individu qui vit l’isolement, et une perte (moindre apprentissage des expériences) pour le collectif.  En outre, des problèmes récurrents au niveau d’un collectif ne seraient pas traités comme tels mais abordés à chaque fois comme des réalités individuelles situation (Cazabat et al. 2008 ; Caroly  et al. 2007). Ici, la notion de « partage social » est différente de celle du « soutien social » (Cobb, 1976 ; House, 1981). Bien que le soutien social soit considéré dans de nombreux modèles (notamment Karasek & Theorell, 1990) comme un modérateur/médiateur de l’effet des «stresseurs» issus d’un environnement de travail, les outils pour le mesurer ne rendent pas compte de la situation dynamique (Cazabat et al. 2008 ; Caroly et al. 2007). L’un (soutien social) concernerait donc une dimension individuelle et l’autre (partage social) une dimension collective, avec des interactions possibles entre les deux concepts. Il n’en demeure pas moins que l’ensemble des médiateurs (coping, stress perçu, contrôle perçu, soutien social perçu, partage social) ne sont que très peu mesurés dans les recherches exploitant les modèles de Karasek et de Siegrist. De même certains concepts, déjà cités comme déterminants (assertivité, hypo/hyper) n’ont pas non plus été testés comme médiateurs alors qu’ils pourraient agir comme tels, soit se trouver dans l’axe qui relie d’autres déterminants à l’association « demande-autonomie-soutien » ou encore à l’association « effort-reconnaissance ».

 

3. Aléas, incertitudes scientifiques, verrous technologiques

Pour résumer, deux dimensions sont fondamentales dans ces modèles d’explication du stress professionnel : l’autonomie décisionnelle et la réciprocité sociale, ce qui les rend complémentaires, notamment quand il s’agit d’expliquer les risques psychosociaux au sein d’une entreprise ou d’un secteur d’activité mais aussi, et pour aller plus loin d’expliquer la façon dont le travail contribue aux inégalités sociales de santé et ainsi de mieux répondre à des problématiques de prévention primaire et secondaire (prise en charge). Mais, ils ne sont cependant pas suffisants essentiellement à cause de leur structure causale, il devient donc incontournable d’y ajouter l’aspect transactionnel commun à tout individu, surtout dans un cadre professionnel.

En outre, le modèle de Lazarus et Folkman semble actuellement le plus adapté pour comprendre le stress professionnel du fait de sa particularité : son interactionnisme. En effet, ce modèle tient compte des déterminants situationnels et dispositionnels dont les effets sur l’état de santé psychique et physique de l’individu sont médiatisés par l’évaluation que le sujet fait de la situation, perception qu’il en a (stress perçu) et sa stratégie pour y faire face (coping). Cette modélisation fait du stress un processus et permet d’expliquer les différentes réponses individuelles pour un résultat identique.

Parallèlement, de nombreux chercheurs s’intéressent à la Qualité de Vie au Travail (QdVT) considérée comme un des explicateurs principaux du stress professionnel, de même qu’ils s’intéressent à la Qualité de vie individuelle (QdV) que le stress professionnel ou le burnout altèrent. Les recherches actuelles ont mis l’accent sur différents points essentiels tels que la rémunération, les qualifications requises, les caractéristiques précises du poste, les conditions de travail, la formation, les perspectives d’évolution, la couverture sociale… pour rendre compte de la satisfaction au travail qui semble déterminante de la qualité de vie. Néanmoins, ces différents points ont des impacts différents selon le travail exercé, ce qui implique non pas « une qualité de vie » au travail mais « des qualités de vie » spécifiques à chaque type de travail. Il devient donc opportun d’étudier chaque population de travailleur séparément les unes des autres.

Une autre lacune de la littérature réside dans l’absence quasi-totale de recherches longitudinales, peu ou pas d’études de cohorte, peu ou pas de recherches disposant d’au moins deux temps de mesure. Ainsi, on ne sait pas comment prennent forme les dimensions des deux modèles, ni comment elles évoluent. Si certains déterminants se forgent à l’adolescence, et si ces déterminants (notamment les traits de personnalité) ont un effet direct et indirect sur la perception des stresseurs ainsi que sur les effets pathogènes de cette perception, de même pour ce qui concerne la réaction de l’individu face à la situation stressante, alors l’organisation de ce même modèle du stress chez le lycéen devrait pouvoir prédire son organisation à l’âge adulte. Dans le cadre du travail, le stress scolaire devrait pouvoir expliquer le stress professionnel.

Compte-tenu de l’ampleur de la ou plutôt des recherches amenant à la validation complète du modèle, nous avons choisi d’adopter une démarche heuristique, soit une méthode qui procède par évaluations successives et hypothèses autant exploratoires que provisoires. Par ailleurs, les critères de validité auront un caractère à la fois écologique et interne.  Dans le cadre de cette recherche, le caractère écologique se traduira par le contrôle des conditions de recherche, au moins 50% des individus seront donc interrogés sur le lieu de travail et le caractère interne se traduira par le contrôle des variables parasites. Ces validités représentant un indice de la valeur des résultats pour une population donnée. Afin de garantir le pouvoir explicatif de la recherche, le modèle sera testé auprès de différentes populations et des études de fidélité spatiale viendront conforter sa validité.

Les populations envisagées concernent : le secteur médical (médecins, IDE, SF), le secteur de l’enseignement (enseignants du secondaire et du supérieur), le secteur industriel (agents de maîtrise, cadre et cadres supérieurs), les lycéens (extension transversale). La taille des échantillons restant à calculer selon l’étendue de chaque protocole. Les outils évolueront en fonction des phases de la recherche. En outre, certains questionnaires ont besoin d’être validés (QPGs, VIPSO) de manière scientifique.

Chacune des étapes suivra la découpe de vérification des effets modérateurs et médiateurs (Baron  et al. 1986 ; Preacher et al. 2008), soit la recherche et validation des effets simples et principaux (directs) puis celles des effets d’interaction (indirects) de chaque partie du modèle. Chacune des étapes se déroulant sur en moyenne 1 an. Pour des raisons budgétaires, il n’est actuellement pas envisageable de prévoir une approche longitudinale, aussi utiliserons-nous une méthode transversale qui permettra d’évaluer le pouvoir explicatif du stress scolaire dans l’apparition du stress professionnel. Les sujets seront appariés selon 5 groupes d’âges : élèves de terminales, 20-29 ans, 30-39 ans, 40-49 ans et 50-59 ans ainsi que selon l’orientation globale de leur profession (littéraire, économique/gestion/commerciale, scientifique) et la section de terminale (L, ES, S).

Ce projet est donc constitué de plusieurs étapes :

Etape 1 : validation des questionnaires

Etape 2 : Stress professionnel

Etape 3 : Stress scolaire

Etape 4 : vérification des effets des trajectoires de stress en adoptant une méthode transversale

 

4. Travaux R&D réalisés, démarche expérimentale

Dans une première étape, l’IME a réalisé la validation de l’un des outils nécessaires à l’étude, le « vIPSO – individuel » (questionnaire interrogeant les dimensions individuelles au sein de l’Inventaire de Performance Sociale et Organisationnelle : cf. projet ST1 pour en savoir plus sur la version complète du vIPSO qui porte sur les dimensions individuelles, managériales et organisationnelles).

L’échelle a été construite sur la base de la Théorie de Fradin et al. (2006, 2008). Cette validation a été effectuée auprès de 222 individus adultes et insérés dans le monde professionnel. A l’origine, cette échelle était composée d’une première partie constitué de 19 items répartis en 5 dimensions (Dominance/soumission : 4 items ;  Axialité/marginalité : 4 items ; Assertivité : 2 items ;       Hypo et hyper fonctionnement : 4 items ; Stress psychologique et physiologique : 5 items) et d’une seconde composée de 6 items mesurant la flexibilité et la rigidité cognitive.

Pour la première partie, l’analyse statistique exploratoire indique une solution à 4 facteurs composée de 14 items qui explique 46% de la variance commune : Facteur 1 : Stress physiologique et psychologique (5 items), Facteur 2 : Hypo/Hyper fonctionnement (3 items) ; Facteur 3 : Dominance/Soumission (3 items) ; Facteur 4 : Assertivité/Marginalité (3 items). Pour la seconde partie, l’analyse statistique exploratoire révèle une structure instable ce qui rend obligatoire l’augmentation de la taille de l’échantillon.

Les analyses complémentaires indiquent des corrélations fortes entre le facteur Stress physiologique/psychologique et toutes les dimensions du Job Stress Survey (JSS) de Spielberger (pression professionnelle, r = 0.554 p < 0.01 ; manque d’organisation
(r = 0.562, p < 0.01 ; indice de stress professionnel, r = 0.628 p < 0.01). Il existe également des corrélations moyennes entre le facteur Hypo/Hyper fonctionnement et toutes les dimensions du JSS (pression professionnelle, r = 0.322, p < 0.01 ; manque d’organisation, r = 0.193, p < 0.01 ; indice de stress professionnel, r = 0.273, p < 0.01). De la même manière il existe des corrélations entre le facteur Assertivité/Marginalité et toutes les dimensions JSS (pression professionnelle, r = 0.242, p < 0.01 ; manque d’organisation, r = 0.324 p < 0.01) ; indice de stress professionnel, r = 0.331, p < 0.01). Il n’existe aucune corrélation significative entre le facteur Dominance/Soumission et les différentes dimensions du JSS.

Il existe également des corrélations fortes entre la dimension Anxiété du Hospital Anxiety and Depression Scale (HASD) et le facteur Stress Physiologique/Psychologique (r = 0.550, p < 0.01), avec le facteur Hypo/Hyper fonctionnement (r = 0.413 p < 0.01), avec le facteur Dominance/Soumission (r = 0.174 p < 0.01) et avec le facteur Assertivité/Marginalité (r = 0.30, p <0.01). Il n’existe aucune corrélation avec la dimension dépression.

De la même manière, il existe des corrélations entre le facteur stress Physiologique/Psychologique et le coping centré sur le problème (r = -0.220, p < 0.01) et l’évitement (r = 0.338, p < 0.01), entre le facteur Hypo/Hyper fonctionnement et le coping centré sur le problème (r = 0.445 p < 0.01), entre le facteur Dominance/Soumission et le coping centré sur l’émotion (r  = – 0.286, p < 0.01) et entre le facteur Assertivité/Marginalité et le coping centré sur le problème (r =- 0.228, p < 0.01), et le coping centré sur l’émotion (r = 0.262 p < 0.01).

Enfin, on observe par le biais du General Health Questionnaire, des troubles psychologiques forts en cas de stress (r = 0.661, p < .001), troubles psychologiques modérés en cas de présence d’hypo/hyper (r = 0.319, p < .001). Bon équilibre psychologique si dominant (r = 0.339, p < .001) ou faible si soumis, troubles psychologiques modéré si marginal (r  =  0.385,  p < .001) ou bon équilibre si assertif.

Les résultats des analyses descriptives qui mettent en avant les différences entre les secteurs d’activité indiquent :

1/ Facteur Stress Physiologique/Psychologique

Différence tendancielle, F(3, 218) = 2,41, p = .06, h2 = .03

2/ Facteur HYPO/HYPER fonctionnement

Différence significative, F(3,218) = 3,26, p < .05, h2 = .04 (donc attention : faible taille d’effet)

3/ Facteur Dominance-Soumission

Non significatif, F(3,218)   = 0, 12, p =.94

4/Facteur  Assertivité-Marginalité

Différence significative, F(3,218) = 2,85, p < .05, h2 = .04

Les résultats des analyses de Différences de moyennes pour le genre indiquent des différences:

Significatives pour :

Stress t(208) = -.2.87

Hypo-Hyper, t(208) = -2.93

Tendanciel pour

Dominance-Soumission, t(208) = 1.77, p = .07

Non significatives pour :

Assertivité-marginalité, t(208) = .20, p = .8

D’autres analyses complémentaires sont en cours afin de vérifier les différentes validités et fidélités de l’outil.

Dans une seconde étape, le stress professionnel a été mesuré à l’aide du « Job Stress Survey » de Spielberger (1994). Ce questionnaire contient 60 items dont la moitié mesure l’intensité perçue du stress en rapport à 30 situations potentiellement stressantes, l’autre moitié mesurant la fréquence d’apparition de ces diverses situations. Les personnes se positionnent sur deux échelles de Likert allant de « 1 » (faible intensité) à « 9 » (intensité forte) pour la perception de l’intensité et de « 0 » (aucun) à « 9 » (jours d’apparition au cours des 6 derniers mois) pour la fréquence. Le total des scores de ce questionnaire peut varier de 30 à 270 pour l’intensité et de 0 à 270 pour la fréquence. Cette échelle permet également de calculer un indice de pression perçue (10 items) ainsi qu’un indice de manque de soutien organisationnel (10 items), les scores de ces deux indices varient de 0 à 81. L’indice de stress total est obtenu en additionnant les produits (item par item) de ces deux indices, la médiane de cet indice varie 59 à 64. Les trois indices permettent d’obtenir des scores précis de la perception du stress (cf. Lazarus & Folkman, 1984) professionnel des répondants. Le burnout a été mesuré à l’aide du Melamed-Shirom Burnout Questionnaire (M-S BMQ), short-form [22,42]. Cette échelle comporte 14 items permettant de mesurer 3 dimensions du burnout : fatigue physique (6 items), lassitude cognitive (5 items), épuisement émotionnel (3 items). Les répondants sont invités à se positionner sur une échelle de Likert variant de « 1 » jamais à « 7 » toujours. Pour la dimension fatigue physique le score peut varier de 6 à 42, pour la dimension lassitude cognitive, il peut varier de 5 à 35 et pour l’épuisement émotionnel de 3 à 21.

La mesure du soutien social perçu a été effectuée à l’aide du Questionnaire de Soutien Social (QSS) de Pineau [43]. Ce questionnaire demande au répondant d’évaluer le soutien social qu’il perçoit de la part de sa hiérarchie, de ses collègues et de ses proches en rapport à 4 dimensions du soutien professionnel : écoute, aide, discussion et disponibilité. Cet instrument permet de calculer un score global de soutien social perçu et 4 scores partiels selon les dimensions. Pour chaque dimension le score peut varier de 0 à 9, le score global pouvant varier de 0 à 36.

La Qualité de Vie (QdV) a été mesurée à l’aide de la MOS-SF-36. Il contient 36 items permettant d’évaluer 8 dimensions (via 8 scores composites) de la QdV : fonctionnement/activité physique, limitations dues à l’état physique, douleurs physiques, santé perçue, vitalité, relations sociales, santé psychique, limitations dues à l’état psychique, plus une dernière dimension (correspondant à l’item 2) évaluant l’évolution de la santé perçue. Les 8 premières dimensions permettent d’obtenir 2 scores synthétiques, un score de santé physique et un score de santé psychique. Selon les dimensions, le répondant peut être amené à se positionner sur une échelle allant de 1 « excellent » à 5  « mauvaise » ou « beaucoup moins bonne », d’autres échelles sont en 3 points de « oui, très limité » à « non, pas du tout limité ». Les scores sont côtés sur 100 pour chacune des dimensions, des scores faibles indiquant une QdVT médiocre.

Les consistances internes de chaque dimension de chaque échelle sont bonnes ou correctes, excepté pour les dimensions « santé mentale »  et « vitalité » du SF-26.

Dans une première série, ce protocole a été proposé à des enseignants-chercheurs, nous avons obtenu 178 répondants, dont 94 ont répondu à l’ensemble des questionnaires (5 de plus ont répondu partiellement), les 79 autres ayant répondu uniquement à la SF-36, ce qui permet d’évaluer la QDV des universitaires sur un échantillon de 178 répondants.

Les analyses statistiques (effectuées à l’aide du logiciel SPSS.19) ont été conduites afin d’évaluer les effets préalablement décrits (fonction des possibilités sur chaque échantillon). Nous avons tout d’abord vérifié la pertinence des réponses à l’échelle de QdV (SF-36) au moyen de corrélations. Concernant les effets directs, nous avons effectué des régressions linéaires hiérarchiques. Les hypothèses stochastiques portant sur ce test ont été préalablement vérifiées, ainsi pour certaines variables ce test s’est avéré impossible à réaliser, nous avons alors effectué soit des U de Mann et Whitney (variable dichotomique), des tests de Kruskal-Wallis (variables multinomiales) ou des corrélations de Spearman (variables ordinales).  Concernant les régressions linéaires, nous avons placé dans le pas 1 les variables socio-démographiques (genre, âge, enfants, profession, temps de travail, expérience professionnelle), dans le pas 2, les variables d’ordre médical (troubles somatiques et psychiques, traitements en cours) et dans le pas 3, les diverses variables psychologiques explicatives (stress professionnel, soutien social) selon le modèle étudié. Concernant les effets indirects, nous avons réalisé des tests de modération et de médiation pour les variables ayant des distributions gaussiennes ou des Kruskal-Wallis avec extension de Scheirer-Ray-Hare dans le cas inverse. Néanmoins, nous n’avons tenu compte que des deux scores composites de la QdV. Des facteurs de risque ont également été calculés (AOR) à partir de la médiane des scores obtenus à chaque échelle et en contrôlant certaines variables situationnelles dont l’effet significatif a été démontré par le test des effets simples.

Burnout : Fatigue (Epuisement physique)

Les analyses ont portées sur 98 observations (1 sujet déviant ayant été extrait de l’échantillon). Il n’est pas possible d’étudier l’effet d’un éventuel traitement somatique ou psychique en raison d’une colinéarité trop forte (VIF > 4) de même pour ce qui est du stress professionnel, concernant les autres facteurs, il n’existe aucune autre colinéarité (VIF<2). Nous avons donc étudié le stress professionnel séparément.

Concernant la pression et l’absence de soutien professionnel, tous les modèles sont significatifs, le meilleur modèle étant celui contenant la pression et l’absence de soutien professionnel, puisqu’il explique 49,6% de la variance de l’épuisement physique,
R2 = 0,496, p < 0,001, DR2 = 0,193, p < 0,001. Dans ce modèle, la présence de troubles psychiques, b = – 0,357, p < 0,001 (le bêta est négatif car la présence de trouble a été codée « 0 » et l’absence a été codée « 1 ») et une pression professionnelle élevée, b = 0,350, p < 0,001 expliquent un niveau d’épuisement physique élevé. Mais l’âge a également un effet, puisque les plus jeunes sont ceux dont le niveau d’épuisement physique est le plus élevé, b = -0,255, p < 0,05 et inversement. Le poids de chaque variable en maintenant les autres à un terme constant (corrélation partielle) est de r = -0,236 pour l’âge, de r = -0,422 pour les troubles psychiques et de r = 0,378 pour la pression professionnelle.

Concernant le stress professionnel, ce modèle explique 49,4% de la variance de l’épuisement physique, R2 = 0,494, p < 0,001, DR2 = 0,184, p < 0,001, les plus jeunes ayant le niveau d’épuisement le plus élevé b = -0,246, p < 0,001 (rpartiel =, – 0,227), la présence d’antécédents psychiques est en lien avec un niveau d’épuisement élevé
b = -0,332, p < 0,001 (rpartiel = – 0,407), de même pour le stress professionnel b = 0,477, p < 0,001 (rpartiel = – 0,538).

Burnout : Épuisement cognitif

Les analyses ont porté sur 97 observations (deux sujets déviants), l’effet du traitement ne peut pas être étudié (VIF>4), de même concernant le stress professionnel qui a été étudié séparément. Pour la pression et l’absence de soutien professionnel, tous les modèles sont significatifs, le meilleur contient la pression et l’absence de soutien professionnel, il explique 22,7% de la variance de l’épuisement émotionnel, R2 = 0,227,
p < 0,001, DR2 = 0,128, p < 0,001. Dans ce modèle, les plus jeunes, b = 0,343, p < 0,05, et ceux dont le niveau de pression est le plus élevé, b = 0,315, p < 0,01 sont ceux dont le niveau d’épuisement cognitif est également le plus élevé. Le poids de chaque variable en maintenant les autres à un terme constant (corrélation partielle) est de r = -0,256 pour l’âge, et de r = 0,366 pour la pression professionnelle.

Le modèle contenant le stress professionnel explique quant à lui 22,5% de l’épuisement cognitif, R2 = 0,225, p < 0,001, DR2 = 0,117, p < 0,001. Dans ce modèle, les plus jeunes présentent le niveau d’épuisement cognitif le plus élevé b = 0,334, p < 0,05 (rpartiel = – 0,248), et ceux dont le stress professionnel est élevé sont également ceux dont l’épuisement cognitif est le plus élevé, b = 0,380, p < 0,01 (rpartiel = 0,380).

Burnout : épuisement émotionnel

L’échantillon d’analyse comporte 98 observations (un sujet déviant), l’effet du traitement et du stress professionnel ne peuvent non plus être analysés (VIF>4). Seul le modèle comportant la pression et l’absence de soutien professionnel est significatif, il explique 17,3% de la variance de l’épuisement émotionnel, R2 = 0,173, p < 0,005, DR2 = 0,180, p < 0,001. Ceux dont le niveau de pression, b = 0,352, p < 0,01, est le plus élevé sont ceux dont le niveau d’épuisement émotionnel est également le plus élevé. La corrélation partielle est de  r = 0,305.

Concernant le stress professionnel, seul le modèle contenant le stress est significatif,
R2 = 0,188, p < 0,005, DR2 = 0,144, p < 0,001. Les personnes les plus stressés ont le niveau d’épuisement émotionnel le plus élevé, b = 0,419, p < 0,01 (rpartiel = 0,407).

Qualité de vie

Pour l’ensemble des modèles, nous avons rencontré le même problème de multicolinéarité, dans un premier temps, seules les dimensions pression et soutien professionnel ont donc été intégrées dans le pas 3, dans un second temps, nous y avons placé le stress professionnel. L’effet du traitement n’a pas non plus pu être analysé. Par ailleurs, seules les dimensions santé psychique et vitalité ont pu être analysés en raison de distributions non gaussiennes concernant les autres dimensions.

Les analyses portent sur 97, et 98 observations, le nombre de sujets déviants étant de 2 pour le modèle concernant la santé psychique et de 1 pour la dimension vitalité.

QDV : Santé psychique

Tous les modèles sont significatifs, le modèle expliquant le plus de variance de la santé psychique contient la pression professionnelle, R2 = 0,370, p < 0,001, DR2 = 0,166,
p < 0,001. Le fait d’être un homme a un effet positif sur la perception de la santé psychique, b = – 0,223, p < 0,005*, par ailleurs les personnes ne rapportant pas d’antécédents psychiques ont une meilleure perception de leur santé psychique, b = 0,280, p < 0,005, enfin celle qui rapportent un niveau élevé de pression ont également une perception de leur santé psychique faible, b = – 0,381, p < 0,001. Les corrélations partielles sont respectivement de rgenre = – 0,269, rantécédentspsy = 0,318 , rpression = – 0,369. Le modèle contenant le stress professionnel permet d’expliquer 35,6% de la variance de la santé psychique, R2 = 0,356, p < 0,001 DR2 = 0,146, p < 0,001. Les femmes ont une moins bonne perception de leur santé psychique que les hommes,
b = – 0,221, p < 0,05, de même pour les personnes déclarant des antécédents de troubles psychiques, b = – 0,256, p < 0,005, et pour celles présentant un niveau élevé de stress professionnel, b = – 0,424, p < 0,005.  Les corrélations partielles sont respectivement de rgenre = – 0,262, rantécédentspsy = 0,291 , rstress = – 0,449

QDV : Vitalité

Tous les modèles sont significatifs, celui expliquant le plus de variance de la vitalité contient la pression et le soutien professionnel, R2 = 0,347, p < 0,001, DR2 = 0,120,
p < 0,001. Les personnes signalant des antécédents de troubles psychiques ont des niveaux de vitalité moins élevés que celles n’en signalant pas, b = 0,341, p < 0,001* et les personnes percevant une pression professionnelle faible sont aussi celles qui déclarent la vitalité la plus forte, b = – 0,260, p < 0,05. Les corrélations partielles sont respectivement de, rantécédentspsy = 0,372, rpression = – 0,258. Le modèle contenant le stress professionnel permet d’expliquer 35,6% de la variance de la santé psychique, R2 = 0,356, DR2 = 0,117, p < 0,001). Dans ce modèle, les personnes déclarant des antécédents psychiques ont également une moins bonne perception de leur santé psychique que celles n’ayant pas d’antécédents, b = – 0,332, p < 0,05, de même pour celles présentant un niveau élevé de stress professionnel, b = – 0,379, p < 0,001. Les corrélations partielles sont respectivement de rantécédentspsy = 0,366, rstress = – 0,444.

 

5. Indicateurs de R&D

Ces travaux ont été en partie présentés à la communauté scientifique :

de Chalvron, S. Cousson-Gélie, F., Zozaya, C. (2011). Stress professionnel et Burnout en      secteur hospitalier : étude comparative entre des infirmières en service d’oncologie et des   infirmières d’autres services. Communication orale aux VIIèmes journées du Canéropôle GSO, Bordeaux, France.

de Chalvron, S., Fradin, J. & Cousson-Gélie, F. (2012). Burnout des infirmières en oncologie. Communication affichée, XXèmes Journées Internationales de Psychologie Différentielle. 27, 28 et 29 Juin 2012, Rennes, France.

de Chalvron, S. Zozaya, C. & Cousson-Gélie, F. (2012). Le stress professionnel des soignants en oncologie. Communication présentée à la Conférence Pôle Recherche Montpellier Cancer, Montpellier, France.

Deux articles concernant le stress scolaire sont déjà acceptés, trois autres sont en cours d’écriture. Ces derniers concernent la validation des questionnaires regroupant les 4 dimensions de l’assertivité selon le modèle de Fradin et al. (2008) et le stress professionnel chez les enseignants et les soignants. La participation à divers congrès (psychologie différentielle, psychologie de la santé, psychologie du travail, psychologie développementale et psychologie cognitive) est non seulement impérative mais également déjà prévue sur une durée de 5 ans. L’ensemble de ces actions devrait par ailleurs permettre de répondre de façon efficace aux divers appels à projets (adolesence, travail, santé publique). Cependant la réponse ne peut se faire sans la participation d’autres équipes de recherche, à ce jour, nous avons constitué une équipe regroupant le laboratoire IME, le laboratoire Epsylon (Montpellier 3), le laboratoire LPPS (Paris Descartes), l’observatoire de la vie des lycéens (Hérault), et le centre de recherche Epidaure (Montpellier).

 

6. Acquisition des connaissances

La première étape nous a permis d’aboutir à la création d’un outil valide pour l’évaluation spécifique, et pour les entreprises, du stress professionnel et de l’adaptation individuelle en fonction de l’expression de la personnalité au travail.

La seconde étape montre que l’ensemble des universitaires interrogés présente un niveau de burnout important puisqu’il est significativement plus élevé que celui d’autres populations telles que des étudiants ou des enseignants du secondaire et similaire à celui d’infirmières. Nous retrouvons le même type de résultats concernant la qualité de vie sensiblement plus mauvaise chez les universitaires que chez des médecins, des accidentés du travail et similaire à celle de patients après une crise cardiaque. Winefield et al. (2003) qui ont comparé des universitaires (academic staff) avec d’autres professions au sein d’une même université retrouvent également une détresse psychologique particulièrement élevée chez les universitaires de même que Wilkinson et al. (1995), Kinman (2001) ou encore Jacobs et al. (2010). Néanmoins, on observe quelques différences entre ces universitaires notamment pour ce qui concerne les ATER et doctorants qui semblent avoir la moins bonne qualité de vie autant physique que psychique et être également ceux dont le niveau de burnout est le plus élevé. Winefield et al. (2003) retrouvent une différence similaire mais ils ont introduit une variable mesurant la date d’arrivée dans l’université, et la différence se retrouve davantage entre les nouveaux arrivants, dont le niveau de détresse psychologique est élevé, et les anciens. D’après ces auteurs, ce niveau de détresse psychologique serait dû à une forte demande perçue par ces ATER et doctorants comparativement à un faible contrôle perçu ou une faible latitude décisionnelle, et ce en accord avec le modèle de Karasek (1979). En effet, ils se trouvent dans une situation où ils sont à la fois évaluateurs, où ils débutent l’enseignement et où ils sont encore évalués et sans encore avoir eu le temps de faire la preuve d’une valeur scientifique (« poor research performance is clearly identified as stressor… and their publications are never cited… » Winefield, 2000, p.442,). De plus, ils sont souvent dans une situation économique et académique précaire ce qui augmente leur niveau de stress perçu et affecterait leur santé physique et psychique.

Par ailleurs, les niveaux de stress professionnel, de burnout et de qualité de vie des enseignants-chercheurs se retrouvent dans l’ensemble des études comparant ces niveaux entre enseignants-chercheurs et d’autres professions. Il apparaît donc que les enseignants–chercheurs ont un niveau de stress élevé et un niveau de qualité de vie psychique et physique faible, comme en Australie, en Angleterre ou encore au Canada. Catano (2010) signale pour le Canada, un manque de contrôle perçu, des conflits d’ordre administratifs, des contraintes de publication alors qu’en Australie c’est le sentiment d’injustice qui prédomine et de façon générale on note un sentiment d’insatisfaction professionnelle quelque soit le pays concerné.

Enfin, la différence concernant le genre se retrouve également dans la grande majorité des études puisque les femmes rapportent, d’une étude à l’autre, plus de stresseurs et notamment celui d’occuper souvent des positions plus basses dans la hiérarchie universitaire pour des compétences égales à celles des hommes. Elles signalent également devoir apporter plus de preuves de leur capacité à prendre des responsabilités pour pouvoir monter dans cette hiérarchie que les hommes. En outre, elles disent avoir en parallèle plus de responsabilités familiales, principalement au niveau des enfants que les hommes. Une seule étude ne montre pas de différence hommes/femmes mais il s’agissait d’une étude portant sur 9000 personnes travaillant dans des universités australiennes, y compris des administratifs, ses résultats concernant le genre ne sont pas répliqués dans une étude des mêmes auteurs en 2008 qui a exclut les administratifs.

Notre étude semble reproduire des résultats déjà obtenus auparavant, néanmoins, elle a pour principale limite une taille d’échantillon relativement faible laquelle, d’une part ne permet pas de calculer certains effets et, d’autre part, réduit la puissance statistique tout en bloquant la possibilité d’effectuer certains tests paramétriques. Les tests non-paramétriques effectués donnent toutefois des indications sérieuses quant aux facteurs susceptibles d’expliquer le burnout et la qualité de vie des universitaires.

Les études ultérieures devront donc s’attacher à augmenter la taille d’échantillon mais également à explorer l’efficacité de prises en charge psychologiques face à un haut niveau de stress professionnel et de burnout de cette catégorie socio-professionnelle.

A ce titre, Il existe très peu d’études interventionnelles évaluant diverses solutions visant à diminuer le stress professionnel des universitaires. Il semblerait cependant que des thérapies basées sur la relaxation puissent avoir un effet positif sur le stress des enseignants chercheurs.

 

7. Ressources humaines
Nom Fonction dans le projet Nbre heures/jours consacrées à la Phase N Nb total d’heures/jours affectées au projet
De Chalvron Stéphanie Ingénieur de recherche 91 heures 91 heures
Fradin Jacques Direction de recherche 58 heures 58 heures
Lafaye Anais Chargée de projet 273 heures 273 heures
Porro Bertrand Assistant de recherche 235 heures 235 heures

 

8. Références bibliographiques

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NOM DU PROJET : ST1_ vIPSO : Inventaire de Performance Sociale et Organisationnelle – Réalisation d’un questionnaire ;  modalités de traitement et de méthodologie d’analyse d’un inventaire multifactoriel  de performance sociale et organisationnelle
Date de début : 2012 Date de fin : 2016
R – Psychologie – Psychométrie 

 

1. objectif

L’étude que nous avons menée sur les déterminants du stress au travail en 2010 a montré que les facteurs mesurés étaient en corrélation significative avec le stress au travail. Nous avons décidé d’adapter le questionnaire pour transformer le questionnaire d’étude générale en questionnaire pour une organisation.

Le sujet des risques psychosociaux est une préoccupation majeure dans les organisations, qui sont en recherche de solutions de diagnostic pour identifier les causes et endiguer le phénomène de stress au travail.

Les questionnaires existants abordent le stress au travail sous des angles partiels qui ne donnent pas la vision globale aux décideurs. Les questionnaires les plus utilisés (Karasek et Sigriest) étudient la part des causes managériale et organisationnelle, sans la mettre en regard de causes psychologiques individuelles, dont l’utilisation du mode mental (annexe 1)

L’objectif final de cette étude est donc de concevoir un questionnaire et des modalités de traitement (analyse, représentations) permettant de :

  • Mesurer le stress perçu (stressabilité, manifestations émotionnelles, manifestations somatiques)
  • Mesurer les facteurs du stress au travail
  • Relier le symptôme (le stress) aux causes (le facteur perçu)

Le questionnaire doit permettre une hiérarchisation fine des causes qui intègre, tout comme dans les analyses de risque, une notion de fréquence et de gravité. Il doit également permettre d’obtenir un outil de mesure valide du stress en tenant compte de diverses spécificités professionnelles. Cet outil devra être capable d’évaluer (prédire) les facteurs de risque d’atteinte de la santé physique et psychique des individus.

 

2. État de l’art

Dérivé du latin « stringere » (étreindre, serrer) ce mot anglo-saxon utilisé en physique pour désigner une contrainte, est surtout employé en physiologie, en médecine, en psychologie de la santé pour définir un état d’émotion, d’anxiété et de détresse, éprouvé dans des situations de tension, d’incertitude ou d’événement inattendu.

Cannon (1927) développe la première théorie du stress et le définit comme une réaction physiologique liée aux émotions et visant à rétablir l’homéostasie. Quelques années plus tard, Selye (1946, 1956) met en lumière une série de réactions biologiques et physiologiques qui surviennent sous l’effet de divers facteurs de stress et conclut que ces manifestations hormonales et neurologiques sont des indices objectifs de la réponse du corps au stress. Il attribue une nouvelle définition du stress comme étant « la réponse non spécifique de l’organisme à toute demande d’adaptation qui lui est fait », réponse globale qu’il appelle « Syndrome Général d’Adaptation ». Fin des années 70, la théorie physiologique, linaire et directionnelle, du stress est abandonnée, des travaux ayant montré que les réactions au stress sont modulées selon l’importance des facteurs émotionnels. Le stress est donc envisagé comme un processus multifactoriel (système d’interdépendance entre les composantes affectives, cognitives, sensorielles, endocriniennes,   comportementales et sociales de l’individu).

Par la suite, Lazarus et Folkman (1984) proposent un modèle du stress complexe et dynamique qui privilégie le rôle des transactions entre de nombreux facteurs, dans le but d’expliquer les effets du stress sur l’organisme. Ils définissent le stress comme « une transaction entre la personne et l’environnement dans laquelle la situation est évaluée comme débordant les ressources de l’individu et pouvant mettre en danger son bien-être ».

Dans cette optique, le stress ne peut être ni réduit à sa composante environnementale (source de stress), ni à sa composante individuelle (les ressources dont dispose la personne). Le stress est donc le résultat d’une relation dynamique entre l’individu et les exigences de l’environnement, les ressources individuelles et sociales pour faire face à ces demandes, et la perception par l’individu de cette relation.

L’individu est donc considéré comme un acteur qui peut moduler l’impact des agents stresseurs par des stratégies cognitives, émotionnelles et comportementales.

Dans le modèle de Lazarus et Folkman (1984), ce ne sont pas les caractéristiques objectives de la situation stressante (nature, gravité, fréquence, durée…) mais son évaluation et son retentissement, propres à chaque personne, qui moduleraient la relation entre le contexte aversif et l’état de l’individu (émotionnel, somatique). Il est donc tout à fait nécessaire de distinguer les stresseurs environnementaux objectifs de l’impact subjectif de cette situation, ou stress perçu (Bruchon-Schweitzer, 2002, p. 290)

Le stress perçu correspond à un ensemble d’évaluations concernant la situation (aversive, menaçante), les ressources disponibles (ressenties comme insuffisantes) (Bruchon-Schweitzer, 2002, p. 290). Le stress perçu serait « la résultante de diverses transactions entre individu et contexte, conduisant celui-ci à percevoir une discordance entre les contraintes de la situation et les ressources disponibles » (Sarafino, 1994).

Historiquement, le stress a souvent été confondu avec une adaptation naturelle (phylogenèse) qui permet à l’individu de s’adapter à son environnement, l’adaptation étant une des grandes fonctions de  l’organisme nécessaires à notre survie.

Les mécanismes biologiques et psychologiques ayant pour objectif de nous mettre dans le meilleur état physique et mental pour faire face à une situation difficile et ainsi nous aider à nous y adapter au mieux, ont souvent été confondus (apparentés) avec le stress (Legeron et al., 2008). Or, le stress est un phénomène pathologique avec des conséquences sur la santé physique et mentale (dépression, anxiété, altération de la qualité de vie …).

Il existe cependant un rapport non linéaire entre intensité de la réaction individuelle et performances (cognitives, physiques). Dans un premier temps, les niveaux de stress perçu et de performance croissent ensemble. Mais, dans un deuxième temps, si le stress continue d’augmenter, ou si la perception de son intensité est d’emblée trop forte la performance chute, on parle alors de stress pathologique. En outre, il est impossible de parler d’un « monde sans stress », d’une part parce que c’est un leurre et que nous ne pourrons pas supprimer la totalité des stresseurs qui font partie de notre environnement, et d’autre part, parce que, si nous parvenions à inhiber en nous toute réaction de stress, nous serions démunis et incapables de nous adapter. On ne peut donc pas supprimer le stress ni « vivre sans stress » (Legeron et al., 2008). En revanche, il est tout à fait possible d’améliorer nos façons de faire face à des situations stressantes (stratégies de coping) afin que (1) l’adaptation soit  efficace, et (2) que le stress n’altère pas les performances et n’entraine aucune pathologique physique et/ou psychique).

Le stress et les stress spécifiques tel le stress professionnel ont des conséquences particulièrement délétères sur la santé des individus, dépression, anxiété (trouble d’anxiété majeur), burnout. Le syndrome d’épuisement professionnel (burnout) est fréquent en France, bien que sa prévalence exacte ne soit pas établie. Il est caractérisé par un ensemble de symptômes liés à trois dimensions : épuisement émotionnel, dépersonnalisation et un faible accomplissement personnel (Maslach et al. 1986, 2001)  ainsi qu’à des modifications du comportement en milieu professionnel. Compte-tenu des dimensions de ce modèle, et notamment la dépersonnalisation, le burnout serait une pathologie spécifique des professionnels en rapport avec le soin ou l’encadrement (prendre les individus pour des numéros, chute de l’empathie) et ne pourrait donc atteindre les professions qui ne sont en rapport ni avec le soin, ni avec la pédagogie. En secteur hospitalier, il entraîne une détérioration de la santé physique et mentale et de la qualité de vie des personnels de soin et est impliqué dans la dégradation de la relation patient–soignant (Dyrbye et al., 2008) avec notamment une augmentation des erreurs médicales, de l’absentéisme et une diminution de l’empathie et de l’intérêt professionnel. Ses effets sur la qualité de vie seraient par ailleurs modérés par un soutien social spécifique, plus précisément une bonne relation avec les collègues de travail (Halbesleben, 2006, Prins, 2007). Les études portant sur la fréquence du Burnout selon les spécialités médicales sont contradictoires, certaines ne trouvant aucune différence (Martini et al. 2004), d’autres indiquant que le burnout est plus fréquent chez les médecins exerçant en oncologie et en palliatif (Korkeila et al. 2003 ; Asai et al. 2006). Parallèlement, la plupart des études trouvent des différences entre les professions médicales, les infirmières seraient ainsi plus à risque que les médecins du moins pour ce qui concerne l’épuisement émotionnel (Alacacioglu, 2008 ; Tunc, 2009).

De façon plus générale, la santé au travail est, du moins en France, longtemps restée une problématique individuelle avant de devenir une problématique uniquement liée à l’univers professionnel et donc gérée par ses acteurs (employeur, salariés, médecin du travail, et parfois partenaires sociaux). De fait en France, ce n’est aussi que depuis 10 ans que la recherche se penche sur l’ensemble des risques encourus par les individus dans le cadre de leur profession, risques pouvant porter atteinte à leur intégrité physique et/ou mentale. Ces risques sont suivis de l’adjectif « psychosociaux » (RPS) car ils se trouvent à l’intersection du psychisme de l’individu et de sa situation professionnelle. D’après le Ministère du Travail, les risques psychosociaux recouvrent des risques professionnels qui portent atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale des salariés : stress, harcèlement, épuisement professionnel, violence au travail… Ils peuvent entraîner des pathologies professionnelles telles que des dépressions, des maladies psychosomatiques, des problèmes de sommeil, mais aussi générer des troubles musculo-squelettiques, des maladies cardio-vasculaires, voire entraîner des accidents du travail (tableau 1).

Les facteurs psychosociaux au travail désignent un vaste ensemble de variables, à l’intersection des dimensions individuelles, collectives et organisationnelles de l’activité professionnelle, d’où leur complexité et leur caractère souvent composite.

Tableau 1 : fréquence du stress et des pathologies liées au stress chez les personnes employées et les travailleurs non salariés

  Stress Fatigue générale Problèmes de sommeil Anxiété Irritabilité Maux de tête Problème cardiaques
Self-employed 24,9 27,36 9,4 9 11,2 17,3 3,3
Employed 21,3 20,2 8,1 7,6 10,4 14,3 1,8

Au niveau psychosocial, il existe actuellement deux modèles de risques psychosociaux reconnus sur le plan international en raison de leur apport considérable à la production de connaissances scientifiques solides concernant l’importance des effets de déterminants sociaux et psychologiques liés au travail sur l’apparition et le maintien de plusieurs maladies psychiques et somatiques.

Le modèle « déséquilibre : effort/reconnaissance » repose sur le constat qu’une situation de travail où s’associent des efforts de la part des élèves et une faible reconnaissance en rapport à ces efforts s’accompagne de troubles émotionnels et physiologiques. Les faibles reconnaissances concernent aussi bien un salaire jugé insuffisant, qu’un manque d’estime et de respect ou qu’une insécurité de l’emploi comme de faibles perspectives de promotion. Ce manque de reconnaissance agit en détériorant l’estime de soi, ce qui entraine des troubles psychologiques comme la dépression, l’épuisement professionnel, la détresse psychologique élevée ou même le suicide. Le modèle « demande ‐ autonomie ‐ soutien au travail » repose sur le constat qu’une situation de travail ou les demandes psychologiques (provocant des tensions appelées « Job strain ») sont fortes et ou l’autonomie décisionnelle est faible, augmente le risque de maladies physiques et/ou mentales. Les demandes psychologiques renvoient à la quantité de travail à accomplir, aux exigences cognitives et aux contraintes de temps. L’autonomie décisionnelle renvoie autant à la capacité qu’à la liberté de prendre des décisions dans son travail, à la possibilité de créer et d’innover ainsi que d’utiliser et de développer ses habiletés. C’est en 1990 que le concept de soutien social, sous ses trois dimensions : réseau de soutien, comportements de soutien et appréciation subjective du soutien, a été ajouté au modèle de Karasek.

Le rapport du Collège d’Expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail de Gollac et Bodier (2011) intègre, quant à lui les notions de facteurs de risque et de prévention. L’objectif précis de ce rapport était de permettre un suivi statistique de l’amélioration ou de la dégradation des conditions de santé mentale et comportementale, en réaction au cadre professionnel. Ce rapport préconise de mesurer 6 facteurs de risque psychosociaux liés à l’environnement professionnel :

  • Intensité au travail et Temps de travail
  • Exigence émotionnelle
  • Autonomie ou latitude décisionnelle
  • Rapports sociaux au travail
  • Conflits de valeur
  • Insécurité de la situation de travail

La mesure de ces facteurs de risque doit par ailleurs s’insérer dans une politique de prévention du stress :

  • Prévention primaire : élimination ou contrôle des facteurs de risque présents dans le milieu du travail.
  • Prévention secondaire : aider les individus à gérer plus efficacement les exigences et contraintes du travail en améliorant leurs stratégies d’adaptation.
  • Prévention tertiaire : réhabilitation, ou processus de retour au travail et suivi des individus qui souffrent ou ont souffert de problèmes de stress ou de santé mentale au travail.

Les formations sont l’outil le plus fréquemment proposé pour palier au stress, quelles soient en lien « direct » avec le stress, comme les formations de gestion du stress, ou en lien « indirect » comme les formations professionnelles où de nouvelles techniques sont apportées aux travailleurs afin d’augmenter le sentiment de capacité/d’efficacité et par conséquent diminuer le stress.

Sur le plan pratique, il existe deux modèles d’action principaux sur lesquels se basent les différentes interventions proposées aux travailleurs :

  1. Le modèle HBM postule qu’un individu adopte un comportement de prévention ou observe un comportement de soin s’il est conscient de la gravité du problème, s’il se sent concerné, si le comportement à adopter présente pour lui plus d’avantages que d’inconvénients et s’il croit qu’il est capable de le réaliser. Ces conditions ont été décrites sous la forme suivante :
  • La gravité du problème : Un individu n’agit en matière de santé que s’il considère que le problème est d’une gravité suffisante.
  • La perception subjective du risque : Il n’agit que s’il pense être en situation de risque et s’il se sent concerné par la maladie.
  • La perception des bénéfices de l’action à entreprendre : L’individu n’agit et ne modifie un comportement que s’il espère tirer certains avantages.
  • La perception des obstacles : Les aspects négatifs potentiels d’une action de santé spécifique et la perception des coûts de l’action, s’ils sont supérieurs aux bénéfices escomptés, peuvent fonctionner comme des obstacles à l’action à entreprendre.
  • La croyance en sa propre efficacité : Un individu a plus de probabilité d’adopter un nouveau comportement de prévention s’il se croit capable de réaliser le comportement souhaité
  • Autres variables : L’application extensive du HBM et les recherches en matière d’éducation pour la santé attirent régulièrement l’attention des chercheurs et des praticiens sur la multiplicité des variables à prendre en compte pour l’explication des comportements.
  1. La Théorie du Comportement Planifié (Ajzen, 1991) confère à l’intention de l’individu la place centrale de la genèse de son comportement (Tounès, 2003 ; Fayolle et al, 2006). Selon cette théorie, tout comportement qui nécessite une certaine planification peut être prédite par l’intention d’avoir ccomportement. Selon cette théorie, l’intention est le résultat de trois déterminants conceptuels :
  • L’attitude vis-à-vis du comportement : désigne le degré d’évaluation favorable ou défavorable qu’une personne a, du comportement concerné. Il s’agit de l’attractivité du comportement, (Emin et al, 2005).
  • La norme sociale perçue : désigne les pressions sociales perçues pour réaliser ou ne pas réaliser un comportement (Ajzen, 1991). Il s’agit de la perception que l’individu a de la pression sociale exercée sur lui.
  • Le contrôle comportemental perçu : correspond à la facilité ou la difficulté perçue à réaliser un comportement. Il renvoie à la perception qu’une personne a de la faisabilité du comportement concerné, (Emin et al, 2005).

Les attitudes vis-à-vis du comportement, la norme sociale perçue et le contrôle comportemental perçu sont exprimés en termes de croyances. Ces dernières correspondent aux informations vraies ou fausses qu’une personne a du monde qui l’entoure. Le comportement est déterminé par l’intention et par le contrôle comportemental perçu.

Ces modèles théoriques ont permis d’élaborer diverses prises en charges professionnelles, en termes de prévention (secondaire ou tertiaire) ou d’action. Prises en charge, elles-mêmes basées sur les thérapies Cognitives et Comportementales (TCC) ainsi que sur les Thérapies Neurocognitives et Comportementales (TNC) qui en découlent.

Les TCC : Ces thérapies ont pour objectif d’aider les personnes à dépasser progressivement les symptômes invalidants du stress de façon durable, en axant une partie importante du travail sur la modification des attitudes et sur la restructuration des schémas cognitifs. Le versant comportemental se base sur le fait qu’une  grande partie du comportement humain est le résultat de ce qui a été appris (par opposition à ce qui est inné) et est bien ancré au cours d’innombrables expériences de renforcement. Par conséquent le travail comportemental envisage une modification des comportements axée sur les modifications cognitives. Ce versant cognitif vise à rendre conscientes les pensées, croyances (ou processus cognitif) guidées par les agents stressants. Il s’agit, en effet, d’amener le sujet à réaliser la façon dont ses pensées déterminent ses réactions émotives et son choix de stratégies d’action. Il s’intéresse plus spécifiquement aux interprétations négatives, déprimantes ou angoissantes, et aux inférences erronées qui provoquent le développement d’émotions négatives inadaptées et pénibles. L’action des TCC dans le domaine du stress professionnel consiste, par ailleurs, à gérer les situations de conflits, elles-mêmes source de stress. Malgré toute leur efficacité ces thérapies interviennent toutefois dans le cadre d’une prévention secondaire et tertiaire et non primaire. En revanche la Thérapie Neurocognitive et Comportementale (TNC) permet d’intervenir à chaque stade de prévention.

La TNC : elle repose sur un modèle du stress s’appuyant également sur les TCC et sur différents champs de recherche tels que la neuropsychologie et la psychologie cognitive. Ce modèle, appelé modèle des « Modes Mentaux » (Fradin et al., 2008) reconnaît deux modes de fonctionnement cérébraux génériques permettant d’appréhender une situation.  Le premier mode de fonctionnement, dit « automatique » oriente l’individu vers la mise en œuvre de schémas d’action et de représentation appris et serait sous-tendu par des zones postérieures et basses du cerveau. Le second mode de fonctionnement, dit « adaptatif », engendre de nouvelles stratégies en adéquation avec la situation en cours et serait sous-tendu par le cortex préfrontal (CPF ; Fernandez-Duque & Posner, 2001 ; Houdé et al., 2000 ; Bilalic et al., 2008  ; Dijkstehuis et al., 2006). D’un point de vue phylogénétique, le CPF est aujourd’hui considéré comme étant la zone la plus évoluée de notre cerveau, ainsi que le siège de notre intelligence générale et de l’adaptation (Duncan et al., 2000). Ce modèle suppose que le stress apparait lorsque l’individu manifeste un mode de fonctionnement automatique face à une situation qui nécessite une nouvelle stratégie. Le stress est alors considéré comme un signal d’alarme témoignant du caractère inadapté de la stratégie de l’individu par rapport à la situation. Malgré l’importance accordée au traitement de l’information émanant de l’individu, ce modèle n’exclut pas le rôle majeur du stresseur. En effet, il considère, en pratique, que le stress se déclare à l’image de l’équation suivante : Intensité du Stress = Capacité de Gestion des Modes Mentaux * Importance de l’enjeu.

Dans la continuité de ce modèle, ont été développées des techniques dites de Gestion des Modes Mentaux (GMM). Cette méthode propose des outils cognitifs et comportementaux (Beck, 1984 ; Teasdale, et al., 1995), tendant à stimuler a priori l’adaptation (ou les fonctions cognitives permises par l’activité du CPF ; Jaeggi et al., 2008 ; Fradin et al., 2006 ; Fradin, 2003 ; Houdé et al., 2000) tout en favorisant la rationalisation des événements, le raisonnement logique, la flexibilité, etc…

Si plusieurs de nos études montrent l’efficacité de ces techniques, nous ne pouvons en mesurer précisément l’impact en dehors de protocoles longs et couteux puisqu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de questionnaire unique permettant de mesurer l’ensemble des dimensions évoquées, de fait, il est nécessaire de construire un tel outil.

 

3.    Aléas, incertitudes scientifiques, verrous technologiques

L’objectif général de la recherche est de mieux comprendre comment la bascule d’un mode mental automatique vers un mode mental adaptatif agit sur les performances intellectuelles des individus et plus particulièrement sur leur créativité ainsi que sur leur niveau de stress et du risque encouru de Burnout. Avant d’atteindre cet objectif principal, cette recherche se décline en 3 objectifs secondaires.

Objectif 1 : L’INRS a recensé les principaux questionnaires de stress professionnels existants, en les classifiant selon le champ d’investigation couvert.

  • Repérage par des tiers de situations stressantes
  • Situations de travail perçues
  • Évaluation du stress perçu
  • Stratégies d’adaptation au stress
  • Symptôme perçu
  • Atteinte du rapport psychologique au travail
  • Atteinte du la santé mentale et physique
  • Questionnaires transversaux (4 questionnaires)

Aucun questionnaire recensé par l’INRS ne couvre les dimensions telles que modélisées par nos modèles (personnalité, symptomatologies, utilisation des modes mentaux) c’est pour cette raison que nous avons décidé de mettre au point un nouveau questionnaire intégrant ces dimensions mesurées.

Objectif 2 : mesure du niveau de stress professionnel au sein de l’entreprise. Le but n’est pas précisément d’obtenir une photographie ponctuelle du stress au sein de cette entreprise, mais de pouvoir constituer les groupes nécessaires aux objectifs 3 et 4. Dans cette optique, un protocole relativement léger est envisagé afin de ne pas mobiliser de façon trop importante les personnes travaillant dans cette entreprise.

Objectif 3 : Sur la base des résultats obtenus lors de la première évaluation (T0), trois groupes seront constitués (niveau faible, moyen ou élevé de stress) desquels seront tirés au sort 3 échantillons d’individus. Ces derniers recevront alors un protocole dans lequel seront évaluées d’autres variables impliquées dans le processus global du stress selon les modèles théoriques évoqués ci-dessus. Ces mesures nous permettrons, par la suite, de construire un protocole de recherche interventionnel et clinique adapté à l’entreprise et aux caractéristiques de ses divers employés. Il s’agit ici d’identifier les meilleurs moyens d’action et de prévention en fonction du niveau de stress à un instant T de chaque individu.

 

4. Travaux R&D réalisés, démarche expérimentale

Etape 1 : Une première phase a consisté à construire le questionnaire sur la base de la littérature et a testé sa validité faciale, de laquelle a découlé l’amélioration du questionnaire de stress et des restitutions en fonction du retour d’expérience. Les items non univoques ont été supprimés.

Étape 2 : Intégration des données de l’étude « Estime » afin de disposer de données de comparaison entre les entreprises dans lesquelles le questionnaire Vipso a été expérimenté.

Étape 3 : Test et re-test selon 4 grands groupes de professions (notamment en raison des dimensions théoriques du Burnout) : Personnels soignants (médecins, infirmières…), personnels encadrants pédagogiques (enseignants, CPE…), formateurs, autres professions.

Pour cette dernière étape, nous avons utilisé la méthodologie suivante :

– Passation de questionnaires en ligne et « papier-crayon » auprès de deux échantillons distincts dans chaque groupe de professions citées ci-dessus. Une première demande aléatoire auprès d’individus a été effectuée, nous avons récolté 528 questionnaires donc 302 en version papier-crayon. Les personnes désireuses de participer aux re-tests ont indiqué leurs coordonnées (anonymisées par la suite), 137 questionnaires re-rest ont été récoltés. Afin de démontrer les validités de l’outil nous avons utilisé divers questionnaires standardisés :

  • Validité convergente : facettes dépression et anxiété du NEO-PI- R (Costa & McRae, 1985)
  • Validité concourante et prédictive : HADS, mesure de l’anxiété et de la dépression (Zigmond & Snaith, 1983) ; MOS-SF-12, mesure de la qualité de vie (ICOLA) : JSS, mesure du stress professionnel (Spielberger, 1981) ; MBI, mesure du Burnout (Maslach et al., 1986) ; GHQ, mesure de la santé mentale (Goldberg et al. 1972).
  • Validité divergente : QSSP, mesure du soutien social (Bruchon-Scwheitzer et al. 2002) ; WCC, mesure du coping (Cousson-Gélie et al. 1996).
  • Validité discriminante : groupes professionnels

La fidélité est démontrée d’une part par le calcul de l’indice « oméga de Mac Donald » et d’autre part par les équations structurelles (analyses exploratoires et confirmatoires), enfin nous avons calculé le coefficient de corrélation interintems entre test et retest.

Des analyses factorielles ont été conduites.

 

5. Indicateurs de R&D

Rédaction d’article en cours.

Le questionnaire finalisé permettra d’évaluer l’impact de nos formations de manière fiable, courte et d’éviter donc la production de données manquantes liés à des protocoles trop longs. Les premiers tests s’avèrent positifs.

 

6. Acquisition des connaissances

À l’issue des différentes analyses statistiques, nous obtenons deux questionnaires, le premier contient 19 items et 4 dimensions : personnalité dominante ou soumise, personnalité évitante ou rapprochement excessif, stress somatique, stress psychique. Le second contient 6 items de mesure du mode mental automatique vs mode mental adaptatif.

Le questionnaire de stress professionnel demande encore a être re-testé, le nombre de répondants à ce jour n’étant pas suffisant pour obtenir une probabilité de résultats optimale (p < .001). L’article scientifique concernant les validations exploratoire et confirmatoire de ce questionnaire est en cours de rédaction. Nous notons, dans cet article, que les validités convergente, divergente, concourente, et discriminante sont bonnes mais que la validité prédictive reste à démontrer (re-test).

L’analyse factorielle exploratoire a permis de dégager une solution stable. Elle a été effectuée sur la matrice des corrélations polychoriques, avec une factorisation en axes principaux et une rotation promax. La solution finale indique un KMO de 0,83 (Bartlett = 858, 71(91) p < 0.001). La qualité de représentation est bonne pour dix items et correctes pour six autres. Les quatre dimensions permettent d’expliquer 46% de la variance du stress professionnelle, les saturations vont de 0,447 à 0,818, tous les items dont la saturation était inférieure à 0,4 ont été supprimés (tableau 2).

Tableau 2. Saturations et fidélité

Items F1 F2 F3 F4 CCI
10. Je pense que mon travail dégrade ma santé .818 -.026 .094 .038 .54
3. Dans l’ensemble, j’estime que mon travail me stresse .797 -.005 -0.18 .094 .57
13. Après ma journée de travail, j’ai mal à la tête, à la nuque, aux épaules ou au dos. .689 .130 -.031 -.146 .41
1. Il m’arrive de ne pas dormir parce que je pense à mon travail .587 .059 -.058 -.017 .34
7 Après ma journée de travail, j’ai mal au ventre, l’estomac noué, ou des nausées. .576 -.136 -.102 .115 .25
16 Mon travail provoque chez moi à la fois un intense désir de réussir et une peur excessive d’échouer, sans qu’il n’y ait forcément de grands enjeux .050 .752 .131 -.008 .29
17. Au travail, je ressens une profonde admiration quand je vois des collègues accomplir des choses que je me sens incapable de faire. -.093 .580 -.013 -.140 .15
11 Le moindre échec au travail m’affecte profondément et j’ai du mal à m’en remettre .172 .556 .002 .035 .26
18. Au travail, je n’hésite pas à m’imposer pour obtenir satisfaction -.057 .156 .848 .192 .45
12. Au travail, je suis sûr (e) de moi en toute circonstance -.086 -.298 .491 .491 .52
4. Au travail, je suis discret(e) voire efface(e) .006 -.020 -.447 .168 .57
8. Au travail, je préfère travailler seul dans mon coin plutôt que d’avoir des contacts prolongés (avec les collègues, les clients…) .072 -.161 .035 .704 .33
14. Au travail, je sais exprimer mon désaccord calmement et je cherche un compromis qui puisse convenir à tout le monde .212 -.148 .236 -.517 .49
15. Au travail, je me méfie de tout le monde .151 -.044 .106 .467 .49
Fiabilité .83 .65 .62 .55  

L’analyse confirmatoire permet de confirmer 3 des 4 facteurs mais doit être reconduite avec une plus grosse taille d’échantillon.  Les indices sont cependant relativement corrects, Khi2(41) = 63.97, p < .01, RMSEA = .057, IC90% = [.02 ; .07], pclose = .47, CFI = .96, NNFI = .05, SRMR = .05 (figure 1).

Figure 1. Résultats de l’analyse confirmatoire

Concernant les validités, nous avons effectué différents tests.

Les corrélations entre le VIPSO et la JSS (stress professionnel) sont bonnes pour la plupart (tableau 3).  Seule la variable « stress physio/psycho) a une distribution gaussienne, donc nous avons utilisé le rho de spearman.

 

Tableau 3. Corrélations entre les dimensions du VIPSO et la JSS

  Pression professionnelle Manque d’organisation Indice de stress professionnel total
Stress physio et psycho .554** .562** .628**
Hypo-Hyper .322** .193** .273**
Dominance_soumission -.085 -.028 -.061
Assertivité-Marginalité .242** .324** .331**

** p < .001

Des corrélations significatives entre toutes les dimensions de la JSS et la dimension stress du VIPSO montrent une bonne validité convergente.  Des corrélations moyennes entre Hypo-Hyper et pression professionnelle et Hypo-hyper et stress professionnel, mais des corrélations faibles (bien que significatives) entre hypo-hyper et manque d’organisation démontrent également une bonne validité convergente de l’outil. En revanche l’absence de corrélation significative pour dominance-soumission montre qu’il n’existe pas de lien entre une personnalité soumises/dominante et le stress professionnel.

On observe également desorrélations positives moyennes à fortes avec l’anxiété mais aucune avec la dépression (tableau 4)

Tableau 4. Corrélations entre les dimensions du VIPSO et la HAD

  Anxiété Dépression
Stress physio et psycho .550** .085
Hypo-Hyper .413** .021
Dominance_soumission .174** .037
Assertivité-Marginalité .30** .029

** p < .001

Par ailleurs, des corrélations faibles et négatives entre le coping centré sur le problème et le stress (plus on est stressé moins on utilise ce style de coping), ainsi qu’avec l’assertivité- marginalité (1/ plus on est marginal moins on utilise le coping centré sur le problème et 2/ plus on est assertif et plus on utilise ce type de coping) démontre une bonne validité de ces deux dimensions. En revanche, les corrélations faibles à moyennes entre le coping évitement et toutes les dimensions du VIPSO (plus on est stressé, plus le style de coping est l’évitement ; plus il y a d’hypo/hyper et plus on utilise l’évitement ; 1/ plus on est dominant moins on utilise l’évitement 2/ plus on est soumis plus on utilise  l’évitement ; 3/ plus on est marginal plus on utilise l’évitement, 4/ plus on est assertif moins on utilise l’évitement) montrent une bonne validité de l’ensemble des dimensions (tableau 5).

Tableau 5. Corrélations entre les dimensions du VIPSO et la WCC

  Problème Evitement Recherche de soutien
Stress physio et psycho -.220** .338** .009
Hypo-Hyper .004 .445** .104
Dominance_soumission .131 -.286** .003
Assertivité-Marginalité -.228** .262** -.075

** p < 0.001

Bien que la validité concourante de l’outil reste à démontrer, ces premiers résultats sont encourageants.

 

7. Ressources humaines
Nom Fonction dans le projet Nbre heures/jours consacrées à la Phase N Nb total d’heures/jours affectées au projet
De Chalvron Stéphanie Ingénieur de recherche

 

46 heures

 

46 heures

Fradin Jacques Directeur de recherche 29 heures 29 heures
Lafaye Anaïs Chargé de recherche 91 heures 91 heures

 

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